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Julie Bavant, le végétal depuis 10 ans

#portrait #cheffe
5 min
November 6, 2024

Peux-tu te présenter ?

J’ai été journaliste pendant quinze ans avant de me reconvertir dans la cuisine. J’ai suivi ma formation à L’Arpège, le restaurant 3 étoiles d’Alain Passard, et depuis, je n’ai jamais fait demi-tour. Depuis 2015, je suis entièrement tournée vers la cuisine végétarienne. Aujourd’hui, cela fait deux ans que je suis cheffe du restaurant Pistil, situé dans La Ménagerie de Verre, un lieu de danse contemporaine dans le 11e arrondissement de Paris.

Quelle est la particularité de Pistil ?

Chez Pistil, on change de carte tous les jours ! Nous proposons toujours au moins deux entrées, deux plats et deux desserts. C’est une cuisine 100 % végétarienne, avec une base française assez traditionnelle, mais on y ajoute des petites « excursions » vers des cuisines du monde. Quand je dis cuisine française, je parle de purées, jus, vinaigrettes, sauces… Cela dit, on n’est pas fermé aux régimes végan : chaque plat peut l’être facilement, en évitant simplement d’ajouter de l’œuf, de la crème, du beurre, etc. Notre cuisine est naturellement végane à la base, donc tout est « véganisable » à la demande. On propose aussi des options sans gluten et sans lactose pour que chacun y trouve son compte.

Pourquoi avoir choisi un restaurant 100 % végétarien ?

Parce que ça va dans le sens de l’histoire ! J’ai cette conviction depuis un moment déjà, et j’ai toujours voulu que mes cartes soient végétariennes, dans tous les restaurants où j’ai pu avoir une influence. C’est devenu évident pour moi. Je pense que le végétarisme est une voie nécessaire, surtout aujourd’hui. J’ai aussi eu un gros déclic après mon passage à Matignon : j’avais alors un vrai rejet pour la protéine animale, au point de ne plus en vouloir dans ma cuisine. Et puis, on sait bien que tout le monde ne peut pas consommer de la « viande bien élevée » ; mathématiquement, c’est impossible. Ce n’est pas que je sois opposé à la consommation de viande ou de poisson, mais aujourd’hui, en 2024, il me semble évident qu’on doit repenser notre manière de consommer.

As-tu un aliment fétiche en cuisine ?

Ah oui, la patate, sous toutes ses formes ! C’est un aliment polyvalent, toujours de saison entre les patates de garde, les nouvelles… Avec les pommes de terre, on peut tout faire : des purées, des salades, des galettes, et même des frites ! Rien ne me fait plus plaisir que de rentrer chez moi et trouver une salade de pommes de terre avec une bonne mayonnaise. J’adore aussi cuisiner le tofu, que j’utilise aussi bien dans les sauces, les desserts, qu’en protéine végétale façon lardons. C’est un autre ingrédient multi-usage que j’apprécie énormément.

Pour toi, c’est quoi l’audace en cuisine ?

L’audace, c’est de ne pas proposer de viande à la carte. C’est encore un choix fort pour beaucoup de gens, même si, pour moi, ce ne devrait plus être considéré comme « audacieux ». Il y a aussi une part d’audace dans le fait de surprendre et d’éduquer le palais des clients, en leur faisant découvrir des produits auxquels ils ne sont pas habitués. Par exemple, mon mari n’aimait pas du tout le céleri-rave, mais je lui en ai cuisiné de différentes façons jusqu’à ce qu’il y prenne goût. Aujourd’hui, il adore ! Nos clients savent qu’ils vont être bousculés, et c’est aussi pour ça qu’ils viennent chez nous. Sinon, la vraie audace, ce serait d’ouvrir un restaurant complètement végan, comme l’a fait Claire Vallée. Et en 2024, ouvrir un restaurant, c’est aussi un vrai défi !

Quelle tendance actuelle dans la Food te plaît le moins ?

Je dirais les restaurants mono-produit, comme ceux qui ne servent que des gaufres, des macarons, etc. Je trouve ça un peu ennuyeux, tant pour les clients que pour les équipes qui travaillent dans ce type de concept. Attention, je n’ai rien contre les établissements de ce genre qui sont là depuis longtemps, comme Les Merveilleux de Fred, que j’adore. Mais les nouveaux concepts mono-produit, pour moi, manquent de créativité et poussent à une production artificielle. C’est un avis personnel, bien sûr !

Comment vois-tu l’avenir de la restauration ?

Je pense que le futur de la restauration se tournera de plus en plus vers le végétal, et je l’espère aussi. Pour moi, ce ne devrait pas être une tendance, mais une démarche sincère et durable. Ce que j’aimerais, c’est que ceux qui font le choix du végétal le fassent par conviction, et pas simplement pour surfer sur la vague. Par exemple, chez Faubourg Daimant, il y a une vraie volonté de promouvoir le végétal d’une manière chic, et je trouve ça super, d’autant plus qu’il y a une véritable conviction derrière. Nous, chez Pistil, on fait une cuisine de faubourg, hyper nourrissante, abordable et végétalisée, avec des plats traditionnels revisités. J’imagine l’avenir de la restauration dans cette approche durable et authentique.

Des recommandations Food à partager ?

Oui, plusieurs ! Il y a deux films qui m’ont beaucoup marqué : "Le Festin de Babette" et "Tampopo". Tampopo est un film japonais moins connu, mais incroyable, qui explore la sensualité et l’amour pour la nourriture. Dans les films, j’adore aussi les scènes de cuisine, comme dans "Les Affranchis", où ils taillent de l’ail au rasoir en prison. Dans le film turc-allemand "Head-On", il y a une scène où ils préparent des poivrons farcis tout en buvant du raki : c’est le moment le plus joyeux du film, donc forcément marquant !

En livres, je recommanderais "Les Enfants de Minuit" de Salman Rushdie. Dans ce roman, il y a un passage où le héros, Saleem, évoque ses souvenirs familiaux à travers la nourriture. On y découvre une tante toujours douce-amère, et une autre qui pleure tout le temps parce qu’elle mange trop salé. Ça m’a marqué, car en cuisinant, je réalise souvent combien nos émotions influencent le goût de nos plats.

En podcast, "Le Club des Motivé.e.s" des fondateurs du café Holybelly est super intéressant, surtout si on s’intéresse à l’entrepreneuriat dans le secteur de la Food.

D’ailleurs, on sera dans Le Fooding en novembre, alors n’hésitez pas à y jeter un œil ! 😉

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